Page:John Stuart Mill - De l’assujettissement des Femmes.djvu/47

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nous ne connaîtrions encore que les femmes d’une seule période de l’histoire ; nous nous sentons le droit d’affirmer que l’homme n’a pu acquérir sur la femme, telle qu’elle a été ou telle qu’elle est, sans se préoccuper de ce qu’elle pourrait être, qu’une connaissance déplorablement incomplète et superficielle, et qu’il n’en acquerra pas d’autre, tant que les femmes elles-mêmes n’auront pas dit tout ce qu’elles ont à nous apprendre.

Ce temps ne viendra et ne peut venir que lentement. C’est d’hier seulement que les femmes ont acquis par leur talent littéraire, ou par la permission de la société, le droit de s’adresser au public. Jusqu’ici peu de femmes avaient osé dire ce que les hommes dont dépend leur succès littéraire ne veulent pas entendre. Rappelons-nous comment, jusqu’à ces derniers temps, l’on recevait l’expression d’opinions peu répandues et de sentiments prétendus excentriques, alors qu’ils avaient pour auteur un homme. Voyons comment on la reçoit encore, et nous aurons une faible idée des empêchements auxquels est soumise une femme élevée dans l’idée que la coutume et l’opinion doivent être les lois souveraines de sa conduite, quand elle veut mettre dans un livre un peu de ce qu’elle tire du fond de son âme. La femme la plus illustre qui ait laissé des œuvres assez belles pour lui donner une place éminente dans