Page:John Stuart Mill - De l’assujettissement des Femmes.djvu/58

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pour le rendre responsable envers autrui des actes de sa femme, comme un maître des faits et gestes de ses esclaves ou de son bétail. Je suis bien loin de prétendre que les femmes ne soient pas mieux traitées en général que les esclaves ; mais il n’y a pas d’esclave dont l’esclavage aille aussi loin que celui de la femme. Il est rare qu’un esclave, à moins d’être attaché à la personne de son maître, soit esclave à toutes les heures et à toutes les minutes ; en général, il a comme un soldat sa tâche fixe ; cette tâche remplie, dès qu’il n’est plus de service, il dispose de son temps jusqu’à un certain point ; il a une vie de famille où le maître pénètre rarement. L’oncle Tom, sous son premier maître, avait sa vie de famille à lui dans sa case, presque autant que tout ouvrier qui travaille au dehors peut en avoir dans son logis : il n’en est pas ainsi de l’épouse. Avant tout, une femme esclave jouit d’un droit reconnu (dans les pays chrétiens) ; il y a même pour elle une obligation morale de refuser ses dernières faveurs à son maître : il n’en est pas ainsi de l’épouse, à quelque être brutal et tyrannique qu’elle soit enchaînée, bien qu’elle se sache l’objet de sa haine, qu’il prenne plaisir à la torturer sans cesse, qu’elle ne puisse absolument pas s’empêcher de ressentir pour lui une aversion profonde, ce brutal peut exiger d’elle qu’elle se soumette à la plus ignoble