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Page:John Stuart Mill - De l’assujettissement des Femmes.djvu/60

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qu’un homme, qu’elle n’a pas vu depuis vingt ans peut-être, vienne fondre sur elle quelque jour et lui ravir tout ce qu’elle possède. Jusqu’à ces derniers temps, les cours de justice ne pouvaient prononcer cette séparation qu’au prix de frais énormes, ce qui la rendait inaccessible aux personnes qui n’appartenaient pas aux premiers rangs de la société. Aujourd’hui encore la séparation n’est accordée que pour les cas d’abandon, ou les derniers excès de mauvais traitements, et encore on se plaint tous les jours qu’elle soit accordée trop facilement. Assurément si une femme n’a qu’un sort dans la vie, celui d’être esclave d’un despote, si tout dépend pour elle de la chance d’en trouver un qui fasse d’elle une favorite au lieu d’un souffre-douleur, c’est une cruelle aggravation de sa destinée que de ne pouvoir tenter cette chance qu’une seule fois. Puisque tout dans la vie dépend pour elle du hasard de trouver un bon maître, il faudrait, comme conséquence naturelle de cet état de choses, qu’elle eût le droit de changer et de changer encore, jusqu’à ce qu’elle en eût trouvé un. Je ne veux pas dire qu’il faille lui conférer ce privilège, c’est une tout autre question. Je n’ai pas l’intention d’entrer dans la question du divorce avec la liberté d’un nouveau mariage. Je me borne à dire à présent que pour ceux qui n’ont pas d’autre sort que la servitude, il n’y a qu’un