Page:John Stuart Mill - De l’assujettissement des Femmes.djvu/63

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assez mauvais pour justifier la Révolution française, et jusqu’à un certain point pour en faire excuser les horreurs. C’est en vain qu’on invoque l’attachement puissant de quelques femmes pour leurs maris ; on pourrait ainsi invoquer des exemples tirés de l’esclavage domestique. Dans la Grèce et à Rome, il n’était pas rare de voir des esclaves périr dans les tourments plutôt que de trahir leurs maîtres. Pendant les proscriptions qui suivirent les guerres civiles des Romains, on a remarqué que les femmes et les esclaves étaient fidèles jusqu’à l’héroïsme, et que bien souvent les fils étaient des traîtres. Pourtant nous savons avec quelle cruauté les Romains traitaient leurs esclaves. Mais on peut dire en toute vérité que nulle part ces sentiments individuels prononcés n’atteignent une aussi grande beauté que sous les institutions les plus atroces. C’est l’ironie de la vie, que les plus énergiques sentiments de reconnaissance et de dévouement, dont la nature humaine semble susceptible, se développent en nous à l’égard de ceux qui, pouvant anéantir notre existence terrestre, veulent bien s’en abstenir. Il y aurait de la cruauté à rechercher quelle place ce sentiment tient le plus souvent dans la dévotion religieuse elle-même. Nous avons fréquemment occasion de voir que ce qui développe le plus la reconnaissance des hommes pour le Ciel, c’est la vue de