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l’ordre règne, elles ne gênent point, et quand il est troublé, elles sont nécessaires.

Il est une autre institution moderne qui ne sert pas avec moins d’efficacité l’action du pouvoir central : c’est la création, auprès des tribunaux, d’une grande magistrature que vous appelez le ministère public et qui s’appelait autrefois, avec beaucoup plus de raison, le ministère du Roi, parce que cette fonction est essentiellement amovible et révocable au gré du prince. Je n’ai pas besoin de vous dire quelle est l’influence de ce magistrat sur les tribunaux près desquels il siège ; elle est considérable. Retenez bien tout ceci. Maintenant je vais vous parler de la cour de cassation, dont je me suis réservé de vous dire quelque chose et qui joue un rôle si considérable dans l’administration de la justice.

La cour de cassation est plus qu’un corps judiciaire : c’est, en quelque sorte, un quatrième pouvoir dans l’État, parce qu’il lui appartient de fixer en dernier ressort le sens de la loi. Aussi vous répéterai-je ici ce que je crois vous avoir dit à propos du Sénat et de l’Assemblée législative : une semblable cour de justice qui serait complétement indépendante du gouvernement pourrait, en vertu de son pouvoir d’interprétation souverain et presque discrétionnaire, le renverser quand elle voudrait. Il lui suffirait pour cela de restreindre ou d’étendre systématiquement, dans le sens de la