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Page:Joly - Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu.djvu/20

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Montesquieu.

Oh ! Machiavel, que Socrate n’est-il ici pour démêler le sophisme qui se cache dans vos paroles ! Si peu apte que la nature m’ait fait à la discussion, il ne m’est guère difficile de vous répondre : vous comparez au poison et à la maladie les maux engendrés par l’esprit de domination, d’astuce et de violence ; et ce sont ces maladies que vos écrits enseignent le moyen de communiquer aux États, ce sont ces poisons que vous apprenez à distiller. Quand le savant, quand le médecin, quand le moraliste, recherchent le mal, ce n’est pas pour enseigner à le propager ; c’est pour le guérir. Or, c’est ce que votre livre ne fait pas ; mais peu m’importe, et je n’en suis pas moins désarmé. Du moment où vous n’érigez pas le despotisme en principe, du moment où vous le considérez vous-même comme un mal, il me semble que par cela seul vous le condamnez, et sur ce point tout au moins nous pouvons être d’accord.

Machiavel.

Nous ne le sommes point, Montesquieu, car vous n’avez pas compris toute ma pensée ; je vous ai prêté le flanc par une comparaison dont il était trop facile de triompher. L’ironie de Socrate, elle-même, ne m’inquiéterait pas, car ce n’était qu’un sophiste qui se servait, plus habilement que les autres, d’un instrument faux, la logomachie.