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son ! Mais voyons, qu’allez-vous faire maintenant à l’égard du clergé ? Voilà une institution qui ne dépend de l’État que par un côté et qui relève d’une puissance spirituelle, dont le siège est ailleurs que chez vous. Je ne connais rien de plus dangereux pour votre pouvoir, je vous le déclare, que cette puissance qui parle au nom du ciel et dont les racines sont partout sur la terre : n’oubliez pas que la parole chrétienne est une parole de liberté. Sans doute, les lois de l’État ont établi une démarcation profonde entre l’autorité religieuse et l’autorité politique ; sans doute, la parole des ministres du culte ne se fera entendre qu’au nom de l’Évangile ; mais le spiritualisme divin qui s’en dégage est la pierre d’achoppement du matérialisme politique. C’est ce livre si humble et si doux qui a détruit, à lui seul, et l’empire Romain, et le césarisme, et sa puissance. Les nations franchement chrétiennes échapperont toujours au despotisme, car le christianisme élève la dignité de l’homme trop haut pour que le despotisme puisse l’atteindre, car il développe des forces morales sur lesquelles le pouvoir humain n’a pas de prise[1]. Prenez garde au prêtre : il ne dépend que de Dieu, et son influence est partout, dans le sanctuaire, dans la famille, dans l’école. Vous ne pouvez rien sur lui : sa hiérarchie n’est pas la

  1. Esp. des lois, p. 371, liv. XXIV, ch. I et suiv.