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Ce mot de droit lui-même, d’ailleurs, ne voyez-vous pas qu’il est d’un vague infini ? Où commence-t-il, où finit-il ? Quand le droit existera-t-il, et quand n’existera-t-il pas ? Je prends des exemples. Voici un État : la mauvaise organisation des pouvoirs publics, la turbulence de la démocratie, l’impuissance des lois contre les factieux, le désordre qui règne partout, vont le précipiter dans la ruine. Un homme hardi s’élance des rangs de l’aristocratie ou du sein du peuple ; il brise tous les pouvoirs constitués ; il met la main sur les lois, il remanie toutes les institutions, et il donne vingt ans de paix à son pays. Avait-il le droit de faire ce qu’il a fait ?

Pisistrate s’empare de la citadelle par un coup de main, et prépare le siècle de Périclès. Brutus viole la Constitution monarchique de Rome, expulse les Tarquins, et fonde à coups de poignard une république dont la grandeur est le plus imposant spectacle qui ait été donné à l’univers. Mais la lutte entre le patriciat et la plèbe, qui, tant qu’elle a été contenue, a fait la vitalité de la République, en amène la dissolution, et tout va périr. César et Auguste apparaissent ; ce sont encore des violateurs ; mais l’empire romain qui a succédé à la République, grâce à eux, dure autant qu’elle, et ne succombe qu’en couvrant le monde entier de ses débris. Eh bien, le droit était-il avec ces hommes audacieux ? Non, selon vous. Et ce-