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saura que se détruire ; qu’il ne saura jamais administrer, ni juger, ni faire la guerre. Je vous dirai que la Grèce n’a brillé que dans les éclipses de la liberté ; que sans le despotisme de l’aristocratie romaine, et que, plus tard, sans le despotisme des empereurs, l’éclatante civilisation de l’Europe ne se fût jamais développée.

Chercherai-je mes exemples dans les États modernes ? Ils sont si frappants et si nombreux que je prendrai les premiers venus.

Sous quelles institutions et sous quels hommes les républiques italiennes ont-elles brillé ? Avec quels souverains l’Espagne, la France, l’Allemagne, ont-elles constitué leur puissance ? Sous les Léon X, les Jules II, les Philippe II, les Barberousse, les Louis XIV, les Napoléon, tous hommes à la main terrible, et posée plus souvent sur la garde de leurs épées que sur la charte de leurs États.

Mais je m’étonne d’avoir parlé si longtemps pour convaincre l’illustre écrivain qui m’écoute. Une partie de ces idées n’est-elle pas, si je suis bien informé, dans l’Esprit des lois ? Ce discours a-t-il blessé l’homme grave et froid qui a médité, sans passion, sur les problèmes de la politique ? Les encyclopédistes n’étaient pas des Catons : l’auteur des Lettres Persanes n’était pas un saint, ni même un dévot bien fervent. Notre école, qu’on dit immorale, était peut-être plus attachée au vrai Dieu que les philosophes du XVIIIe siècle.