Page:Joly - Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu.djvu/286

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 273 —

leurs pas fouleront au Pérou la poussière des Incas, en Égypte les cendres de Sésostris ; en Mésopotamie celles de Nabuchodonosor. Descendant de César, d’Auguste et de Charlemagne, je vengerai, sur les bords du Danube, la défaite de Varus ; sur les bords de l’Adige, la déroute de Cannes ; sur la Baltique, les outrages des Normands.

Montesquieu.

Daignez vous arrêter, je vous conjure. Si vous vengez ainsi les défaites de tous les grands capitaines, vous n’y suffirez pas. Je ne vous comparerai pas à Louis XIV, à qui Boileau disait : Grand roi cesse de vaincre ou je cesse d’écrire ; cette comparaison vous humilierait. Je vous accorde qu’aucun héros de l’antiquité ou des temps modernes, ne saurait être mis en parallèle avec vous.

Mais ce n’est point de cela qu’il s’agit : La guerre en elle-même est un mal ; elle sert dans vos mains à faire supporter un mal plus grand encore, la servitude ; mais où donc est, dans tout ceci, le bien que vous m’avez promis de faire ?

Machiavel.

Ce n’est pas ici le cas d’équivoquer ; la gloire est déjà par elle-même un grand bien ; c’est le plus puissant des capitaux accumulés ; un souverain qui a de la gloire a tout le reste. Il est la terreur des États voisins, l’arbitre de l’Europe. Son crédit