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Montesquieu.

C’est la raison d’État que vous invoquez. Remarquez donc que je ne puis pas donner pour base aux sociétés précisément ce qui les détruit. Au nom de l’intérêt, les princes et les peuples, comme les citoyens, ne commettront que des crimes. L’intérêt de l’État, dites-vous ! Mais comment reconnaîtrai-je s’il lui est réellement profitable de commettre telle ou telle iniquité ? Ne savons-nous pas que l’intérêt de l’État, c’est le plus souvent l’intérêt du prince en particulier, ou celui des favoris corrompus qui l’entourent ? Je ne suis pas exposé à des conséquences pareilles en donnant le droit pour base à l’existence des sociétés, parce que la notion du droit trace des limites que l’intérêt ne doit pas franchir.

Que si vous me demandez quel est le fondement du droit, je vous dirai que c’est la morale dont les préceptes n’ont rien de douteux ni d’obscur ; parce qu’ils sont écrits dans toutes les religions, et qu’ils sont imprimés en caractères lumineux dans la conscience de l’homme. C’est de cette source pure que doivent découler toutes les lois civiles, politiques, économiques, internationales.

Ex eodem jure, sive ex eodem fonte, sive ex eodem principio.

Mais c’est ici qu’éclate votre inconséquence ; vous êtes catholique, vous êtes chrétien ; nous adorons le même Dieu, vous admettez ses com-