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s’il aime les âmes libres, il aura des sujets, s’il aime les âmes basses, il aura des esclaves[1]. »

Voilà ma réponse, et si j’avais aujourd’hui à ajouter quelque chose à cette citation, je dirais :

« Quand l’honnêteté publique est bannie du sein des cours, quand la corruption s’étale là sans pudeur, elle ne pénètre pourtant jamais que dans le cœur de ceux qui approchent un mauvais prince ; l’amour de la vertu continue à vivre dans le sein du peuple, et la puissance de ce principe est si grande que le mauvais prince n’a qu’à disparaître pour que, par la force même des choses, l’honnêteté revienne dans la pratique du gouvernement en même temps que la liberté. »

Machiavel.

Cela est très-bien écrit, dans une forme très-simple. Il n’y a qu’un malheur à ce que vous venez de dire, c’est que, dans l’esprit comme dans l’âme de mes peuples, je personnifie la vertu, bien mieux, je personnifie la liberté, entendez-vous, comme je personnifie la révolution, le progrès, l’esprit moderne, tout ce qu’il y a de meilleur enfin dans le fond de la civilisation contemporaine. Je ne dis pas qu’on me respecte, je ne dis pas qu’on m’aime, je dis qu’on me vénère, je dis que le peuple m’adore ; que, si je le voulais, je me ferais élever des

  1. P. 173, chap. XXVII, liv. XII.