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garanties des citoyens. Si c’est le prince qui est le législateur unique, il ne fera que des lois tyranniques, heureux s’il ne bouleverse pas la constitution de l’État en quelques années ; mais, en tout cas, on est en plein absolutisme ; si c’est un sénat, on a constitué l’oligarchie, régime odieux au peuple, parce qu’il lui donne autant de tyrans que de maîtres ; si c’est le peuple, on court à l’anarchie, ce qui est une autre manière d’aboutir au despotisme ; si c’est une assemblée élue par le peuple, la première partie du problème se trouve déjà résolue ; car c’est là la base même du gouvernement représentatif, aujourd’hui en vigueur dans toute la partie méridionale de l’Europe.

Mais une assemblée de représentants du peuple qui posséderait à elle seule toute la souveraineté législative, ne tarderait pas à abuser de sa puissance, et à faire courir à l’État les plus grands périls. Le régime qui s’est définitivement constitué, heureuse transaction entre l’aristocratie, la démocratie et l’établissement monarchique, participe à la fois de ces trois formes de gouvernement, au moyen d’une pondération de pouvoirs qui semble être le chef-d’œuvre de l’esprit humain. La personne du souverain reste sacrée, inviolable ; mais, tout en conservant une masse d’attributions capitales qui, pour le bien de l’État, doivent demeurer en sa puissance, son rôle essentiel n’est plus que d’être le procurateur de l’exécution des lois.