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grandes passions, par l’héroïsme, par la foi, même par l’honneur, ainsi que vous le disiez de votre temps en parlant de la monarchie française. Le stoïcisme peut faire un peuple libre ; le christianisme, dans de certaines conditions, pourrait avoir le même privilège. Je comprends les nécessités de la liberté à Athènes, à Rome, chez des nations qui ne respiraient que par la gloire des armes, dont la guerre satisfaisait toutes les expansions, qui avaient besoin d’ailleurs de toutes les énergies du patriotisme, de tous les enthousiasmes civiques pour triompher de leurs ennemis.

Les libertés publiques étaient le patrimoine naturel des États dans lesquels les fonctions serviles et industrielles étaient délaissées aux esclaves, où l’homme était inutile s’il n’était un citoyen. Je conçois encore la liberté à certaines époques de l’ère chrétienne, et notamment dans les petits États reliés entre eux par des systèmes de confédération analogues à ceux des républiques helléniques, comme en Italie et en Allemagne. Je retrouve là une partie des causes naturelles qui rendaient la liberté nécessaire. Elle eût été presque inoffensive dans des temps où le principe de l’autorité n’était pas mis en question, où la religion avait un empire absolu sur les esprits, où le peuple, placé sous le régime tutélaire des corporations, marchait docilement sous la main