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tuées sous le mode qui leur convient, leurs institutions peuvent s’altérer, tomber en décadence et périr ; mais elles ont duré plusieurs siècles. C’est ainsi que les divers peuples de l’Europe ont passé, par des transformations successives, du système féodal au système monarchique, et du système monarchique pur au régime constitutionnel. Ce développement progressif, dont l’unité est si imposante, n’a rien de fortuit ; il est arrivé comme la conséquence nécessaire du mouvement qui s’est opéré dans les idées avant de se traduire dans les faits.

Les sociétés ne peuvent avoir d’autres formes de gouvernement que celles qui sont en rapport avec leurs principes, et c’est contre cette loi absolue que vous vous inscrivez, quand vous croyez le despotisme compatible avec la civilisation moderne. Tant que les peuples ont regardé la souveraineté comme une émanation pure de la volonté divine, ils se sont soumis sans murmure au pouvoir absolu ; tant que leurs institutions ont été insuffisantes pour assurer leur marche, ils ont accepté l’arbitraire. Mais, du jour où leurs droits ont été reconnus et solennellement déclarés ; du jour où des institutions plus fécondes ont pu résoudre par la liberté toutes les fonctions du corps social, la politique à l’usage des princes est tombée de son haut ; le pouvoir est devenu comme une dépendance du domaine public ; l’art du gou-