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difficile dans les sociétés politiques contemporaines, telles qu’elles sont organisées.

Machiavel.

Et pourquoi ? Ces sociétés ne sont-elles pas, comme de tout temps, en proie à des factions ? N’y a-t-il pas partout des éléments de guerre civile, des partis, des prétendants ?

Montesquieu.

C’est possible ; mais je crois pouvoir vous faire sentir d’un mot où est votre erreur. Ces usurpations, nécessairement très-rares parce qu’elles sont pleines de périls et qu’elles répugnent aux mœurs modernes, en supposant qu’elles réussissent, n’auraient nullement l’importance que vous paraissez leur attribuer. Un changement de pouvoir n’amènerait pas un changement d’institutions. Un prétendant troublera l’État, soit ; son parti triomphera, je l’admets ; le pouvoir est en d’autres mains, voilà tout ; mais le droit public et le fond même des institutions restent d’aplomb. C’est là ce qui me touche.

Machiavel.

Est-il vrai que vous ayez une telle illusion ?

Montesquieu.

Établissez le contraire.

Machiavel.

Vous m’accordez donc, pour un moment, le succès d’une entreprise armée contre le pouvoir établi ?