Chacun a son prix écrit dans le dos, prix exigible.
Voici venir le Juif. Tous ses biens n’ont pas été vendus, puisqu’il a acheté tous les esclaves.
En dépit de ces Chrétiens, mangeurs de pourceaux, de cette nation grossière jamais circoncise, composée de misérables vilains qui n’existaient pas avant que Titus et Vespasien nous eussent conquis, je suis devenu aussi riche qu’avant ! Ils espéraient voir ma fille religieuse ; elle possède un domicile, une maison aussi grande et aussi luxueuse que celle du gouverneur. Maigre l’opposition de Malte, je l’habiterai avec l’appui de Ferneze dont j’aurai bientôt le coeur, en même temps que celui de son fils ! Je n’appartiens pas à la tribu de Lévi, qui oublie facilement les injures ! Nous autres, Juifs, nous flattons comme des épagneuls quand il le faut, mais nous savons aussi montrer les dents et mordre en gardant l’air innocent et doux d’un agneau. À Florence j ai appris à me caresser la main, à lever les épaules quand on m’appelait chien, à baisser aussi la tête comme un moine aux pieds nus. Espérant voir un jour ces Chrétiens affamés dans une étable, réduits à quêter dans nos synagogues, je comptais sur la charitable ressource de cracher dans le bassin des offrandes. Voici venir donc Lodowick, le fils du gouverneur, un de ceux que j’aime pour l’amour de son excellent père.
On m’a dit que le riche Juif suivait ce chemin. Je le cherche dans le but d’apercevoir Abigaïl, car Don Mathias ne cesse de me vanter sa beauté.
Maintenant je vais montrer comment je tiens plus du serpent que de la colombe, comment je suis plus fourbe que fou.
Il s’éloigne. Au tour de la belle Abigaïl.
Compte sur elle.
Barabas, je suis le fils du gouverneur.
Je voudrais que vous fussiez son père aussi, pour tout