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XIII
SUR BEN JONSON.

Marston s’était également réconcilié avec l’auteur du Poetaster ; il avait fait, en collaboration avec Chapman et Ben Jonson, une comédie appelée Eastward Hoe, dans laquelle un passage qui concernait les Écossais éveilla la susceptibilité de Jacques, qui donna l’ordre d’arrêter les auteurs. Ben Jonson n’étant pas en nom, Marston et Chapman furent seuls arrêtés ; mais le collaborateur ignoré revendiqua sa part du châtiment, et accompagna volontairement ses deux amis dans leur prison. Le bruit courut qu’on devait les condamner à avoir les narines et les oreilles fendues ; cependant il n’en fut rien, sans doute parce que le désir qu’eut le roi de pardonner à son poëte favori entraîna le pardon de tous les coupables. Rendu à la liberté, notre poëte réunit ses amis à sa table, et on raconte que sa vieille mère, lui portant un toast, montra un papier contenant un poison violent qu’elle voulait mêler, dit-elle, au vin qu’elle lui aurait servi, si la sentence avait dû être exécutée. On s’étonne moins du caractère indomptable du fils, en lui voyant une telle mère.

En 1609, parut Épicène ou la Femme silencieuse, comédie où le gros sel est un peu prodigué, mais où il règne une vive gaieté ; il y a telle scène qui ne déparerait pas le sac où Scapin s’enveloppe.

En 1610, il fit paraître l’Alchimiste, l’effort le plus prodigieux de l’esprit humain, a dit son commentateur : la vivacité du dialogue y est admirable, la trame en est habilement tissée ; et si elle eut le résultat que lui prête M. Gifford, d’avoir corrigé son public, c’est un compliment que les poëtes ne méritent pas souvent de recevoir.

Les autres comédies de Ben Jonson ont paru sans date ; moindres de mérite que ses précédentes, elles se lisent cependant avec curiosité et plaisir. C’est toujours une vive peinture des mœurs et des humeurs du temps, et elles nous font vivre avec l’auteur soit à la cour d’Angleterre, soit dans les boutiques de la Cité, à l’Exchange et dans cette nef de Saint-Paul, rendez-vous des oisifs, des chercheurs de dupes et même des courtisanes. the Devil’s an ass, le diable est un âne, a pour base une donnée assez spirituelle : Satan envoie un de ses démons à Londres pour y faire des recrues. Ce pauvre diable est tellement distancé, dans tous les vieux vices et dans toutes les vieilles ruses de l’enfer, par les usuriers modernes, par les ruffians, par