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VOLPONE.

trois ou quatre gazettas[1] ou six sous pour le tout. Car cela ne montera pas plus haut.

NANO chante.

Vous qui voulez vivre longtemps, écoutez ma chanson, ne faites plus de bruit, mais achetez cette huile. Voulez-vous être toujours jeune et beau, avoir les dents solides et la langue bien pendue ; le palais frais, l’oreille fine, la vue longue, la narine claire, la main moite, le pied léger ; ou bien, pour tout dire en un mot, voulez-vous être à l’abri de toutes les maladies, servir votre maîtresse comme elle le désire, et mettre en fuite toutes les douleurs rhumatismales : voici la médecine universelle.

(Célia, la femme de Corvino, apparaît à sa fenêtre.)
VOLPONE.

Bah ! je suis en humeur aujourd’hui de faire cadeau de la petite quantité de fioles que renferment encore mes coffres ; aux riches par courtoisie, aux pauvres pour l’amour de Dieu ; écoutez donc : je vous demandais six couronnes, et c’est le prix que vous m’avez payé autrefois. Vous ne me donnerez pas six couronnes, ni cinq, ni quatre, ni trois, ni deux, ni une ; ni la moitié d’un ducat, ni même un môcinigo[2]. Cela vous coûtera six pence ou six cents livres, — n’attendez pas un prix plus bas, car, par l’étendard qui flotte au-dessus de ma tête, je ne rabattrai pas d’un bagatine[3]. Ce que je veux avoir, c’est un gage de votre affection ; je veux emporter quelque chose de vous, comme preuve que vous ne me dédaignez pas. C’est pourquoi, maintenant secouez, secouez gaiement vos

  1. Monnaie vénitienne de la valeur d’un sou et demi, qui a donné le nom aux feuilles manuscrites qui circulaient à Venise, et contenaient les nouvelles du jour.
  2. Le môcinigo, petite monnaie de Venise, valant près d’un franc.
  3. Bagatine, monnaie d’Italie qui ne valait pas le tiers d’un sou.