Page:Jorga - Histoire des roumains et de leur civilisation, 1920.djvu/193

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Quant à la Moldavie, alors que les chantres illettrés célébraient les victoires du grand Etienne, celui-ci s’interdisait, par esprit d’humiliation chrétienne, toute glorification officielle de son œuvre militaire et politique. Le prince, qui éleva une quarantaine d’églises en pierre, ne fit rédiger par ses moines aucune biographie comme celles que connaît la littérature serbe, du XIII au XV siècle ; on se borna à continuer entre les murs de Putna, sa nouvelle fondation, les maigres notations slavones du couvent de Bistrita, qui nous renseignent directement sur Alexandre-le-Bon et ses premiers successeurs. Il n’y eut pas même, dans cette Moldavie, grande par ses efforts et son prestige, d’ouvrage pareil aux enseignements, dont il a été déjà question, de Nea-goe à l’usage de son fils. Mais Pierre Rares eut aussi, comme ce dernier, pour compagne une princesse serbe, habituée aux lectures historiques et pieuses, cette Hélène qui rédigea le mémoire de son mari pour le Sultan Soliman. Les annales slavones furent donc poursuivies ; on rencontre cependant, à côté, une œuvre d’un style pompeux, décalqué sur celui de la célèbre chronique de Manassès, dont on avait employé la version sla-vone : cette biographie de Rares, par l’évêque de Roman Macarius, qui produisit, sous la plume du moine Euthyme, futur évêque de Transylvanie, une seconde, celle d’Alexandre Lapusneanu. Après la mort de ce prince dévot, qui se fit moine avant de fermer ses yeux aveugles, il n’y eut que des compilations et de maigres mentions d’événements contemporains dues aux derniers représentants de la grande école d’érudition slavone : un Esaïe, évêque de Radauti, un Azarius, chroniqueur de Pierre-le-Boiteux. Les combats des princes de là famille des Movila ne trouvèrent pas plus un poète ou même un annaliste que ne l’avaient fait les gestes de guerriers chrétiens d’un Aaron et d’un Etienne Razvan, les alliés de Michel-le-Brave. De même