Page:Jorga - Histoire des roumains et de leur civilisation, 1920.djvu/201

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deux influences, qui cependant se confondaient dans la vie réelle, formant une parfaite unité. Le prince porte un turban sur sa perruque française aux longues boucles, une petite moustache relevée en pointe orne sa lèvre supérieure ; le surplis de dentelles, le justaucorps, l’épée sont aussi français, mais la ceinture de châle précieux rappelle cet Orient musulman dont il allait se détacher violemment en 1711, lorsque, convaincu de la prochaine catastrophe turque, il s’allia au Tzar Pierre-le-Grand pour partager sur le Pruth sa mauvaise fortune.

Le plus brillant type de cette société nouvelle, paisible et soumise, dominée par une prudence excessive lorsqu’il s’agissait de prendre une décision, tergiversant, négociant, revenant sur ses décisions jusqu’au dernier moment, prête à se féliciter d’avoir tardé et de se repentir d’avoir pressé le pas, et, cependant, avide d’influence, de prestige, de domination, rêvant, sinon de la couronne byzantine qui avait séduit Basile et Serban, au moins d’une auréole visible pour tous les chrétiens de l’Orient, est Constantin Brâncoveanu dont le règne d’un quart de siècle fit bien voir tous les côtés de sa personnalité superbe et toutes les aspirations variées de la société qui pouvait se reconnaître en lui. Fils d’un père qui avait été tué dans une révolte, d’un grand-père qui avait eu le même sort, destiné à périr lui-même sous les coups du bourreau, avec tous ses fils, il a la pensée sereine, la volonté assurée ; il distribue d’une main libérale ses propres ressources et celles du pays — qu’il ne ménage pas lorsqu’il s’agit de satisfaire les exigences des Turcs, comme au moment où ils le menèrent presque prisonnier à An-drinople — pour des fondations qui suffiraient, par leur nombre et leur beauté, à rendre célèbre le prince d’un pays plus large que son petit État valaque. Il répara les anciens couvents qui menaçaient ruine et en