Page:Jorga - Histoire des roumains et de leur civilisation, 1920.djvu/234

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clergé séculier ne se distinguait ni par les lumières, ni par la moralité nécessaires pour diriger un mouvement de cette importance ; si enfin, les couvents roumains, anciens centres de la civilisation traditionnelle, avaient été violemment désaffectés et évacués, toute la résistance se concentra dans la classe rurale, nombreuse et vaillante. D’autant plus devait-elle entrer en lice pour sa liberté que, au lieu d’améliorer sa situation, les « nations » constitutionnelles faisaient tout leur possible, de concert le plus souvent avec le groupe des nobles magyars qui formaient le « gouvernement » de Transylvanie, pour l’aggraver. Les villes saxonnes voyaient déjà dans l’établissement d’un régime allemand une occasion unique pour transformer en serfs, comme dans les provinces de l’héritage autrichien, ces masses paysannes sur lesquelles elles avaient seulement des droits précisément spécifiés dans les vieux privilèges. Dans la liberté des Serbes, établis sur la frontière méridionale du royaume de Hongrie, avec leurs chefs religieux et nationaux, — l’archevêque-patriarche à leur tête, — avec les officiers de leur armée purement nationale, les Roumains avaient des coreligionnaires, dont la situation était infiniment supérieure : il suffisait donc de revenir à l’ancienne foi, accepter les évêques orthodoxes serbes et peut-être d’entrer dans les rangs de l’armée impériale, ainsi que le firent plus tard, vers 1760, les Grenzer, les Graniceri de Bistritz, de Nasaud (Naszôd) et de Caransebes (Karansebes), pour participer aux mêmes privilèges, qui confondaient la religion et la nature des services prêtés à l’État avec la nationalité elle-même. Déjà au moment où Micu commença son activité, des évêques serbes traversaient à cheval les régions à l’Ouest de la Transylvanie, distribuant au milieu des soldats leurs bénédictions ; à Brasov, on préférait tel prélat slave en quête de subsides et de