Mais à la place du strict régime byzantin que l’empereur de la victoire avait espéré pouvoir maintenir, on eut bientôt une vie locale, d’organisation indigène, qui se maintint pendant tout le XIe siècle. A Silistrie et dans les environs, entre le Danube inférieur et la Mer, les Comnène, ses successeurs, nommèrent, dans les « cités » comme les appelle la princesse Anne, fille et historiographe de l’empereur Alexis, ou mieux dans les bourgs fortifiés, des chefs autochtones, aux noms roumains ou même slaves, qui continuèrent l’ancienne vie locale des territoires gètes et romains : un Tatul, un Chalis, un Salomon, un Sestlav, un Saktschas (« Satzas »). Ils avaient des attaches avec les Cumans de la rive gauche, dont le nom cachait naturellement aussi la population soumise, tributaire et auxiliaire des Roumains, ces Cumans qui, avec leurs lances aux flammes multicolores, accoururent, un siècle plus tard, pour soutenir la cause politique bulgare ressuscitée par l’initiative de leurs frères, les Vlaques des Balcans.
Ainsi donc, dans l’obscurité qui règne pendant ces siècles du moyen âge sur le territoire carpatho-danu-bien, dès qu’un rayon de lumière perce ces ténèbres, comme celui qu’a projeté le notaire anonyme, on aperçoit la continuation, paisible et modeste, mais d’autant plus acharnée à résister, de l’ancienne population aborigène.
Les roumains et la colonisation des saxons.— Dès la fin du XIe siècle, le roi de Hongrie, attiré surtout faut-il croire par les mines de sel et d’or de la Transylvanie, faisait bâtir dans la région occidentale de la province son château de Turda (qui pour les Roumains aussi bien que pour la chancellerie latine des Magyars s’écrit plus tard : Torda). D’autres forteresses, comme celle de Dej (en hongrois Deés), furent établies sur des points importants du territoire transylvain.