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Page:Joseph Gabet - Etat des missions de chine.djvu/33

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m’engageai dans les pays tout à fait infidèles pour y fonder de nouvelles missions ; c’est alors que je pus mesurer combien est grande la distance d’une position à l’autre.

Un autre inconvénient, extrêmement grave pour les missions de cette ignorance de la langue dans le missionnaire est que, se trouvant obligé d’éviter soigneusement la vue des étrangers, pour ne pas se compromettre et ne pas compromettre les chrétiens chez lesquels il se trouve, on finit par le regarder comme un émissaire secret, un propagateur de choses occultes et dangereuses ; et il se forme contre sa personne, contre la religion qu’il prêche et contre tous les chrétiens, un préjugé de soupçon et de défaveur infiniment dommageable au Christianisme.


Obligation de savoir la langue lorsque le missionnaire paraît devant les tribunaux.

S’il arrive que le missionnaire tombe entre les mains des persécuteurs, et soit appelé à rendre compte de sa foi devant les tribunaux, c’est alors surtout qu’il lui est essentiel de bien posséder la langue. La Providence ne saurait faire une situation plus avantageuse pour la prédication de l’Évangile ; là les positions sont nettes : plus de ménagements à garder, plus de dangers à craindre ; d’un côté le monde avec ses maximes, ses tribunaux, ses proscriptions ; de l’autre le prêtre avec sa foi, sa vie à sacrifier, sa confiance en Notre-Seigneur, qui a vaincu le monde. Oh ! la belle chaire pour prêcher la vérité que celle où le missionnaire, entouré de bourreaux, l’annonce à la face de ses persécuteurs ! nul ne peut le concevoir entièrement s’il n’y a passé lui-même ; et pour celui qui l’a éprouvé, il n’y a plus de mystère dans cette prodigieuse propagation de l’Évangile sous les persécutions des temps primitifs de l’Église ; on conçoit alors clairement cette parole de Tertullien : « Que le sang des martyrs est la semence des chrétiens. »

Ainsi donc la persécution, loin de pouvoir étouffer la vérité, est plutôt comme un pressoir destiné à la faire jaillir de toutes parts. Mais si le missionnaire ne peut s’exprimer clairement, ses souffrances lui seront sans doute comptées ; son martyre lui vaudra la vie éternelle ; mais sa mort reste une énigme pour le peuple qui en a été témoin, et l’Église est en