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LA REVISION


Cour casserait sans renvoi ; Sarrien, président du conseil, et le ministre de la Guerre, Étienne, s’étaient préoccupés des « réparations nécessaires[1] ».

L’arrêt de la Cour de cassation, annulant le jugement de Rennes, restituait à Dreyfus tous ses droits, et le rétablissait dans son grade de capitaine avec son ancienneté qui était de dix-sept ans[2]. Étienne proposa de lui conférer par une loi spéciale le grade de chef d’escadron, « pour prendre rang du jour de la promulgation de la loi », et de lui décerner la croix.

Dreyfus, sans le crime judiciaire qui avait été commis contre lui, aurait été décoré « depuis six ans au moins[3] » ; surtout, il eût été chef d’escadron, au choix, depuis quatre ou cinq ans. La réparation était donc incomplète. Il eût fallu le nommer lieutenant-colonel pour prendre rang du jour où avait été promu le capitaine d’artillerie[4], ou le capitaine de toute l’armée, qui était classé après lui sur la liste d’ancienneté.

Au rang où il va être placé, il sera le subordonné d’environ cent officiers d’artillerie, moins anciens de grade que lui et qui ont été promus chefs d’escadron, quelques-uns depuis cinq ans ; toute chance lui est enlevée d’atteindre les hauts grades qui ont été l’ambition de sa vie, avant qu’elle ne fût brisée.

Étienne, qui n’avait pas seulement le sentiment des choses de l’armée, mais aussi la connaissance plus rare de la mentalité militaire et qui, s’étant rencontré plu-

  1. Chambre des Députés, séance du 13 juillet 1906, rapport de Messimy.
  2. Dreyfus était capitaine du 12 septembre 1889.
  3. Chambre des députés, séance du 13 juillet 1906, discours d’Étienne.
  4. Debou, de l’artillerie coloniale, était lieutenant-colonel du 9 avril 1903 ; La Guiche, son « conscrit » de l’École, avait été promu le 25 mars 1906.