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LA REVISION


« épargnant leur chair », les marquant d’une « inexorable » flétrissure, soulagèrent les républicains. Ils lui surent gré de faire entendre un dernier écho des belles passions qui n’avaient jeté en avant, aux premières heures de la bataille qu’une poignée d’hommes, mais dont la contagion avait fini par s’étendre à tout le parti.

L’attitude de la Droite, s’obstinant grossièrement dans l’erreur, votant contre la réintégration de Dreyfus, qu’elle savait innocent, et de Picquart, hérissa les plus indulgents. Même les injustices dont elle se plaignait étaient incapables de lui donner le sens de la justice.

Comme Pressensé racontait, fort exactement, d’après l’enquête de la Chambre criminelle, le faux témoignage de Rollin à Rennes, un député nationaliste de Paris, Pugliesi-Conti, qui était assis près du banc des ministres, se tourna vers eux, cria : « Un gouvernement qui laisse inculper l’armée est un gouvernement de lâches et de misérables. » Sarraut, sous-secrétaire d’État à l’Intérieur, n’y put tenir, le souffleta. Il fallut les séparer[1]. Brisson suspendit la séance.

À la reprise, quand Pressensé eut achevé, Étienne, puis Sarrien lui répondirent ; ils ne se refusaient pas à étudier les dossiers de la Cour, avec le dessein d’en tirer les conclusions qu’ils impliquaient, s’il en était de compatibles avec la loi d’amnistie, qui dominait maintenant toute l’Affaire. Étienne couvrit l’immense majorité des officiers, « égarés, trompés par des chefs qui ne méritaient pas leur confiance » ; Sarrien dit fort bien que « des représailles, quelles qu’elles fussent, affaibliraient la victoire morale ».

Barrès s’amusa à faire le panégyrique de Mercier :

  1. Le soir même, Sarraut et Pugliesi-Conti se battirent à l’épée, à Ville d’Avray. Sarraut fut blessé à la poitrine.