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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


prussiens, sont moins commodes que les généraux français ; ils refusent la viande creuse.

Pour une fois, il s’efforça d’être consciencieux.

Un soir de la dernière semaine d’août, comme il était attablé dans un café de Rouen, le médecin-major du régiment[1] lui présenta un lieutenant d’artillerie, Bernheim, de famille juive[2]. Esterhazy l’entreprit aussitôt sur le tir de l’artillerie, se fit donner des renseignements circonstanciés, notamment sur les nouvelles méthodes. Bernheim, fort instruit, flatté, comme l’est toujours un jeune officier, de causer avec un officier supérieur, dit, sans défiance, ce qu’il savait. — Son régiment avait tiré le nouveau canon au camp d’Auvours[3], et fait l’expérience des nouvelles réglettes[4] ; une plaquette[5] sur le 120 court et le frein hydro-pneumatique avait été distribuée aux officiers d’artillerie du Mans, où il tenait garnison. — Esterhazy questionnait, écoutait, racontait : il avait vu lui-même, à l’École normale de tir de Châlons, le télémètre à un seul observateur, aux écoles à feu les réglettes de correspondance. L’innovation principale dans le tir de l’artillerie, c’était précisément le réglage à la hausse[6], substitué au réglage à la manivelle[7], et qui impliquait l’usage de la réglette. Esterhazy demanda à Bernheim s’il pourrait lui procurer un de ces petits instruments et quelque livre sur le tir, par exemple le Projet de manuel[8].

  1. Magdelaine ; il venait d’être nommé au 74e de ligne.
  2. Rennes, III, 141, Bernheim.
  3. Du 16 juin au 17 juillet 1894.
  4. Le régiment les reçut le 24 juin pendant les écoles à feu.
  5. Le Figaro du 24 mai 1899 en a publié le fac-similé.
  6. C’est le réglage usité en Allemagne. (Rennes, III, 211, Hartmann.)
  7. Cass., I, 91, Roget ; Rennes, III, 175, Sebert ; etc.
  8. Rennes, III, 143, Bernheim. — Cavaignac (Cass., I, 22) et Roget (I, 81) insistent sur ce qu’Esterhazy n’a demandé le ma-