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ESTERHAZY


en France ; le fils de Berchény, qui l’y avait précédé, venait de former à Marseille, avec un gros de réfugiés hongrois, ramassés à Constantinople, un régiment de hussards[1]. Il en donna une compagnie à Valentin, qui se distingua sur le Rhin[2]. On n’avait connu longtemps de hussards que « chez les ennemis »[3]. Le maréchal de Berwick se loua fort de cette cavalerie infatigable, éclaireurs agiles et sabreurs enragés. Esterhazy reçut commission d’en constituer un nouveau régiment[4].

Le Royal-Esterhazy, qui fut formé à Strasbourg, passa dans les Cévennes les cinq années de la paix ; il gagna ses éperons pendant la guerre de la Succession d’Autriche.

La Hongrie, aux scènes fameuses de Presbourg, s’était réconciliée avec l’Autriche. On a pu écrire que l’élan de ce peuple de chevaliers, « qui oublia tout pour combattre »[5], n’a été qu’une héroïque duperie. Esterhazy ni Berchény ne virent si avant. Ils n’étaient, pour l’instant, que des condottières, aimaient la guerre pour elle-même et s’acquittaient bien de leur métier.

Ils se battirent contre leurs compatriotes de la veille comme ils se seraient battus contre les Croates ou les Turcs. L’étendard rouge de Berchény, l’étendard feuille-morte d’Esterhazy[6] entrèrent des premiers en

  1. Commission royale du 12 juin 1720 (Général Susane, Histoire de la cavalerie française, II, 246.)
  2. 1733-1734.
  3. Voltaire, Siècle de Louis XIV, xxix,
  4. L’autorisation est de décembre 1734 ; le régiment fut formé le 25 janvier 1735. (Susane, II, 253.)
  5. Montesquieu, Esprit des lois, VIII, ix : « Cette noblesse qui s’indigna, oublia tout pour combattre et crut qu’il était de sa gloire de périr et de pardonner. » — De même, Michelet, Histoire de France, XVI, 185.
  6. Couleur feuille-morte et trois fleurs de lys d’or.