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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


galon et la croix. À son retour en France, il fut nommé professeur à l’École de guerre ; Galliffet, qui avait le commandement éventuel d’une armée, l’appela, sur la recommandation de Miribel, à son État-Major[1].

Ce chef, sévère et dur autant pour les autres que pour lui-même, conçut pour Picquart une profonde estime ; et, de même, tous les autres chefs qui l’employèrent.

Attaché, comme officier de l’armée territoriale, au même État-Major, je l’y connus, à l’automne de 1891, pendant les manœuvres de l’Est[2].

Le colonel Millet, qui donnait à Boisdeffre le conseil d’appeler Picquart au bureau des Renseignements, l’avait eu sous ses ordres et vu à l’œuvre[3]. Huit ans auparavant, chargé de suivre officiellement les manœuvres allemandes de Carlsruhe, Millet avait remarqué Picquart, qui s’y promenait, en civil, pour son instruction, faisait causer les officiers et ne perdait pas de vue le maréchal de Moltke. Le jeune officier avait fait une étude approfondie de la stratégie et de la tactique, parlait ou lisait la plupart des langues européennes. Récemment, il était allé apprendre le russe à l’École des langues orientales. On savait sa réserve systématique, sa prudence[4].

  1. Cass., I, 216, Galliffet. — Picquart occupait à l’État-Major de Galliffet l’emploi de chef du bureau des Renseignements ; il dirigea ce service pendant cinq ans.
  2. Le général Brault (depuis chef de l’État-Major général) était alors chef de l’État-Major de Galliffet, avec le général Darras comme sous-chef. Les autres officiers étaient les colo nels Bailloud et Millet, les capitaines Levé, Thierry d’Alsace, prince d’Hénin, Ferry, le lieutenant de La Guiche et, au titre territorial, comme moi-même, le marquis du Lau d’Allemans.
  3. Rennes, I, 373, Picquart ; I, 521, Boisdeffre.
  4. Ibid., I, 521, Boisdeffre. — Il était si réservé sur les affaires du service que, plus tard, quand il fut nommé au bureau des Renseignements, sa mère fut six mois à le savoir.