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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


rantie de l’ordre dans les affaires militaires, la forte hiérarchie, s’était effritée sous des usurpations répétées, que toutes les attributions étaient confondues et qu’il n’y avait plus, dans ce service réputé terrible, mais où les agents les plus suspects, déjà vendus peut-être à l’étranger, allaient et venaient comme chez eux[1], ni règle, ni méthode, ni discipline d’aucune sorte.

Il résolut dès lors de rétablir l’ordre ; en premier lieu, de replacer l’autorité où était la responsabilité[2]. Il prit à cet effet diverses mesures. La grande affaire était toujours à l’ambassade d’Allemagne. Depuis le procès Millescamp[3], la ramasseuse faisait elle-même livraison des cornets à Henry, dans des endroits isolés. Il les rapportait chez lui[4] et les gardait pendant plusieurs jours, triant à sa guise, détruisant, brûlant ce qu’il trouvait sans intérêt (ou dangereux). Du reste il composait deux paquets : celui des fragments écrits en français qu’il reconstituait ; celui des fragments écrits en langue étrangère qu’il passait à Lauth. Ce petit jeu de patience terminé, Lauth recollait tout, pièces françaises et pièces étrangères. Alors seulement, Lauth remettait le butin, bien rapproprié, au chef du service[5].

Picquart décida de modifier cette organisation, qui enlevait au chef tout contrôle. Désormais Henry continuera à recevoir, hors du ministère, les cornets de la Bastian, mais seulement pour en prendre livraison. Il portera alors les cornets à Picquart le jour même, ou, s’il les reçoit après la fermeture des bureaux, le lende-

  1. Instr. Fabre, 72, Picquart.
  2. Procès Zola, I, 297, Picquart. — Pressensé, loc. cit., 34 ; Paul Marie, le Petit Bleu, 37.
  3. Voir t. 1er , 25.
  4. Rennes, I, 261, Mme Henry.
  5. Procès Zola, I, 297. Picquart ; 341, Lauth.