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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


« est claire ». Un agent, aposté à la gare, le suivra[1]. Sinon, « la question ne sera pas beaucoup plus compliquée qu’auparavant[2] ».

Cette combinaison sourit à Gonse ; il prie Picquart de la formuler par écrit. Celui-ci répugne un peu au stratagème qu’il conseille : avoir pour soi l’évidence, le droit, la force, et avoir recours à la ruse, c’est médiocre. Il précise « qu’il n’emploiera jamais un pareil moyen sans un ordre formel ». D’ailleurs, « il serait nécessaire de ne pas tarder jusqu’au 18 (septembre), — jour où finissent les manœuvres, — pour envoyer le télégramme[3] ». Gonse dit qu’il doit prendre l’avis de Boisdeffre. Il eût pu lui télégraphier ; il attendit son retour.

Le 17, Henry rentre de congé, reprend son service.

Le 18, Gonse met Boisdeffre au courant des incidents qui se sont produits pendant son absence. Boisdeffre, aux manœuvres, a connu le retentissement de l’article de l’Éclair, reproduit par toute la presse, avec joie par la Libre Parole. Gonse lui rapporte ses conversations avec Picquart, rend compte des diverses propositions dont il est saisi.

Boisdeffre, ayant fait venir Picquart, repousse vivement l’idée des poursuites contre l’Éclair. Il donne ce prétexte qu’une enquête, aux yeux du public, confirmerait l’exactitude de l’article[4]. Le prétexte, d’ailleurs, est bon. D’une part, en effet, il serait hasardeux de nier que des pièces secrètes ont été communiquées aux

  1. Rennes, I, 312, Roget : « Picquart ne craignait pas de faire verbalement au général Gonse la proposition d’aposter un agent à la gare et de faire saisir Esterhazy, quand il viendrait, n’étant pas plus armé qu’on ne l’était. »
  2. Cass., I, 168 ; Rennes, I, 442, Picquart.
  3. Instr. Fabre, 226, note de Picquart.
  4. Cass., I, 166 ; II, 163 ; Rennes, I, 440, Picquart.