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HENRY

On a vu que le dossier secret de l’affaire Dreyfus, tel qu’il avait été constitué par Henry, comprenait deux parties : dans la première, le commentaire de Du Paty encartant quatre pièces ; dans la seconde, des photographies et quelques lettres, sans importance, de Panizzardi et de Schwarzkoppen. Henry, quand Gonse eut repris le dossier à Picquart, demanda à le revoir ; il profita de l’occasion pour en retirer une courte note de l’attaché allemand et une lettre de l’attaché italien qui ressemblait singulièrement, « comme aspect et comme contenu », à celle que la ramasseuse venait de lui apporter[1]. C’était une invitation à dîner, qui da-

  1. C’est ce qui résulte formellement de l’aveu d’Henry : « J’ai pris une partie dans la pièce de 1894… J’ai décollé une partie de la pièce de 1894. » (Revision, 101, procès-verbal.) — Rennes, I, 400, Picquart : « La seconde partie du dossier secret avait l’air d’une espèce de rebut, d’une partie supplémentaire. Elle se composait de sept à huit pièces, et dans ces sept à huit pièces, il y avait deux ou trois photographies de la pièce « ce canaille de D… » Il y avait, de plus, un certain nombre de pièces attribuées soit à A, soit à B, et qui, je pense, devaient servir de pièces de comparaison. Parmi ces pièces du rebut, il y en avait une, au crayon bleu, portant une des signatures de la correspondance secrète de A et de B. Dernièrement, lorsque j’ai été appelé devant M. le rapporteur Tavernier, au sujet de l’affaire Du Paty de Clam, M. Tavernier m’a présenté le faux Henry et il m’a présenté aussi la pièce qui avait servi à faire le faux Henry. Eh bien ! la pièce qui a servi à faire le faux Henry ressemblait beaucoup, comme aspect et comme contenu, à l’une des pièces dont j’ai parlé tout à l’heure, à cette pièce au crayon bleu à laquelle j’ai fait allusion. Toutefois, je ne puis pas certifier sous la foi du serment que c’était exactement cette pièce. » — De même, Cuignet : « Les morceaux de cette pièce étaient assez mal rapportés, si bien que les fragments chevauchaient les uns sur les autres. Les lettres de certains mots sont couvertes par des fragments. » (Rennes, I, 513). — Esterhazy, qui, dans l’espèce, n’a aucun intérêt à mentir, renseigné par Henry, précise en ces termes : « Henry s’est servi de deux lettres de Panizzardi figurant aux archives du service, connues, dont l’existence était, pour ainsi dire, officielle. L’emploi de ces deux lettres, pour fabriquer ce faux, les faisait