le laissent « crever », Drumont le vengera : il le lui a promis[1].
En effet, il y a quelques jours, Esterhazy a écrit à Drumont pour lui dénoncer l’ingratitude des Juifs à son égard ; et Drumont lui a répondu[2] par cette lettre, qu’Esterhazy invite Weil à mettre sous les yeux du grand-rabbin :
Je fais des vœux bien sincères pour que vous réussissiez. Ces gens-là auraient dû, comme je vous l’ai maintes fois dit, tenir à honneur de vous sauver ; ils auraient dû, ce qui leur eût été plus compréhensible, savoir que là était leur intérêt et se réunir au besoin pour le faire. Si vous succombez, mon pauvre ami, ils auraient, sinistre ironie ! donné ce spectacle qu’ils ont fait la fortune ou sont venus somptueusement à l’aide de certains gentilshommes qui ne leur ont fait que des bassesses et n’ont été que leurs valets — et qu’ils laisseraient crever de faim un gentilhomme et un soldat qui est venu généreusement et stupidement à leur défense de son honneur et de son épée.
Au surplus, ce n’est pas aux Juifs seulement qu’Esterhazy invite Weil à montrer la lettre de Drumont, mais aussi à Saussier : « Qu’il me prenne pour balayer les escaliers, s’il le veut, mais qu’il le fasse. Il n’y a plus moyen, il faut manger. »
Le surlendemain du jour où Weil reçut cette lettre, le Matin publiait le bordereau. Weil, Drumont ont-ils reconnu l’écriture d’Esterhazy ?
Il y eut deux hommes, au moins, qui la reconnurent.