avec déférence »[1], tout en s’étonnant qu’une telle pièce, d’un contexte si « curieux[2] », ait échappé à son service[3]. Pourtant, il ne manifesta qu’un « léger doute[4] », et Billot, qui lui parut convaincu, le congédia sans lui permettre d’engager la question à fond[5].
À la sortie, Gonse, qui semblait guetter Picquart, l’aborda « précipitamment » et lui demanda, « avec intérêt », si le ministre lui avait parlé de Dreyfus : « Oui », reprit Picquart, et, comme il se sentait plus libre avec Gonse qu’avec le ministre[6], il ajouta « que la pièce ne lui paraissait pas du tout sérieuse[7] » ; il « émit même des doutes sur l’authenticité du document[8] ». Gonse ricana de son air humble : « Quand un ministre me dit quelque chose, je le crois toujours[9]. »
Quoi ! Picquart, qui sait Dreyfus innocent, n’a pas osé mettre en garde le ministre contre un faux qu’il soupçonne, et il se contente d’en toucher un mot à Gonse !
Mais cette seule objection, qui paraît aujourd’hui si pauvre, si timide, Gonse la trouve terriblement auda-
- ↑ Rennes, I, 450, Picquart.
- ↑ Cass., I, 264, Boisdeffre : « Je suis aussi certain qu’on peut l’être, à cette distance de temps, que Picquart n’a pas répondu que ce devait être un faux. »
- ↑ Rennes, I, 450, Picquart : « Je le lui dis dans une phrase dont je ne puis plus me rappeler les termes. »
- ↑ Ibid.
- ↑ Cass., I, 172, Picquart.
- ↑ Revision, 113, Picquart : « Le général Gonse, avec lequel je pouvais m’expliquer librement. » De même, à Rennes, I, 450 : « Par contre, devant le général Gonse… »
- ↑ Rennes, I, 450, Picquart.
- ↑ Cass., II, 218 ; Rennes, I, 450, Picquart.
- ↑ Cass., I, 172, 173, Picquart. — Gonse passe cet incident sous silence.
mence à faire du bruit autour de cette affaire Dreyfus, il est bien entendu que nous soutiendrons, même vis-à-vis de nos gouvernements respectifs, que nous n’avons jamais eu affaire à ce Juif. » (Cass., II, 217.)