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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


vient que M. Castelin, dans son interpellation, va accuser Esterhazy et vous d’être les complices de Dreyfus[1]. »

On a vu qu’Henry avait fait affirmer par Guénée que Castelin était à la solde des Dreyfus. Cette nouvelle version n’est qu’une variante, plus compliquée, de ce mensonge. Et Henry avait été au bureau des Renseignements avec Weil et Esterhazy ; il connaissait leur fâcheuse intimité.

Esterhazy, jouant l’émotion[2], déclare à Weil qu’il faut, à tout prix, empêcher cette dénonciation qui le perdrait. — Pourquoi, s’il est innocent ? Il donnera plus tard[3], cette raison qu’il ne voulait pas laisser accoter son nom à celui de Weil, « défavorablement connu dans le monde du sport ». — Les deux hommes discutent. Enfin Weil, sur les instances d’Esterhazy, porte le billet à leur ami commun, Adrien de Montebello, afin qu’il le remette au ministre[4]. Le député s’acquitta de la mission.

C’est l’évidence qu’Esterhazy a combiné avec Henry l’envoi de cette lettre à Weil.

Henry, d’une tranquille audace, en a calculé le contre-coup. Quoi ! le nom d’Esterhazy va être prononcé à la tribune ! Et Picquart est encore là, prêt à attester que c’est bien celui du véritable traître ! Et Weil, aussi, l’ami de Saussier, va être nommé !

Le procédé d’Henry est toujours le même. À chaque

  1. Procès Zola, I, 288, Picquart ; Cass., I, 309, Weil.
  2. Cass., I, 309, Weil : « Esterhazy, très ému,… » — Cass., II, 257, Esterhazy : « Je n’ai attaché aucune importance à cette lettre. » — Procès Zola, I, 288, Picquart : « Il paraît qu’Esterhazy a reçu une lettre anonyme conçue dans le même sens, mais je ne puis certifier le fait que pour Weil. » Il n’est point fait mention ailleurs de cette seconde lettre.
  3. Cass., II, 257, Esterhazy. (Enq. Bertulus.)
  4. Cass., I, 309, Weil.