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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


reçue Weil, c’est encore Picquart qui l’a fait écrire pour faire éclater le nom d’Esterhazy[1].

Gonse vit le ministre, lui mit le marché à la main : « Ou ma démission, ou le départ immédiat de Picquart[2]. » Boisdeffre l’appuya. De quels arguments ?

Billot céda. On l’excuserait d’avoir pris le faux pour une pièce authentique et de n’avoir pas deviné tant de vilenies que Picquart lui-même ne soupçonna pas. Mais il se condamne lui-même. Le Conseil des ministres se préoccupait de l’interpellation Castelin, de ces divulgations répétées. Or, de tous ces incidents qui s’y rattachaient, il ne dit rien, ni à Méline, ni à aucun de ses collègues[3].

Le 14 novembre, dans la matinée, Gonse conduisit Picquart au cabinet du ministre[4]. Boisdeffre s’y trouvait[5].

Billot, solennel, commença par parler d’autre chose que du sujet même de cette comédie. Il annonça, d’un ton satisfait, comme s’il avait redouté de graves conflits, que la paix était conclue entre l’Italie et l’Éthiopie. Les journaux, depuis plusieurs heures, avaient donné la nouvelle. « Nous allions, dit-il, avoir l’Italie sur les bras. »

Il louvoya, n’aborda la question qu’après d’autres détours. Il dit alors à Picquart que des indiscrétions se

  1. Enq. Pellieux, Gribelin : « Ma conviction est que toutes les indiscrétions venaient de la même voie. »
  2. Cass., II, 161, Gonse : « Je dis au ministre : Il faut choisir entre le chef du service des Renseignements et moi. »
  3. Ibid., 336, Barthou.
  4. Instr. Ravary, 13 déc. 1897 ; Cass., I, 171 ; Rennes, I, 455, Picquart.
  5. Cass., I, 171 ; Rennes, I, 455, Picquart. — Boisdeffre dit qu’il ne s’en souvient pas ; « il n’affirme ni ne contredit. » (Cass. p, 264.) — Billot précise que Boisdeffre assista à l’entretien. (Cass., I, 551 ; Rennes, I, 171.)