Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1903, Tome 2.djvu/470

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
460
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

Guénée tenait à garder son gagne-pain ; Henry eut moins de succès avec Tomps.

Déjà, avant le départ de Picquart, il avait essayé de lui faire entendre qu’on lui saurait gré de désigner le chef du service comme l’auteur de la publication du bordereau par le Matin. Picquart parti, Henry pressa Tomps de pousser son enquête[1]. L’agent rapporta bientôt que le fac-similé provenait d’un expert, sur quoi Henry et ses acolytes le malmenèrent[2]. L’archiviste le bouscule ; Lauth l’accuse « de subir une influence » ; Henry repousse son rapport : « Je n’ai pas besoin de lire ce papier ; je sais ce qu’il y a dedans[3]. »

Il y avait, « là dedans », la vérité ; il voulait autre chose.

Gribelin, par ordre d’Henry, se rendit alors chez l’informateur de Tomps, lui fit des promesses ; mais ce malheureux lui-même refusa de faire un mensonge. Comme Lauth avait menacé de renvoyer Tomps, l’agent riposta qu’il était prêt à partir, « mais la tête haute, après avoir défendu son honneur de fonctionnaire ». Henry battit en retraite[4].

Dans l’intervalle, il avait procédé à une opération plus importante.

Picquart lui avait remis le petit bleu. On a vu qu’Henry, dans une occasion précédente, avait gratté

  1. Cass., I, 766 ; Rennes, III, 364, Tomps. — Dans un premier rapport, Tomps avait relaté que « le fac-similé du Matin provenait d’une personne qui le détenait par ses fonctions. » Comme cette désignation pouvait s’appliquer aussi bien à un officier qu’à un expert, Henry, comptant que « cette personne » deviendrait Picquart, félicita l’agent et lui dit que « cela concordait ».
  2. Cass., I, 766 ; Rennes, III, 364, Tomps ; lettre du 6 décembre 1896, à Gribelin. (Cass., I, 772.).
  3. Cass., I, 767 ; Rennes, III, 364, Tomps.
  4. Cass., I, 767, 772 ; Rennes, III, 365, Tomps.