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SCHEURER-KESTNER


des riches Juifs lui sera désormais fermée. Il chercha ailleurs, ne trouvant nulle odeur à l’argent.

Depuis quelque temps, il avait amorcé une nouvelle escroquerie, et il en tira, un an durant, de fortes sommes.

À l’automne précédent, pendant son séjour à la campagne, il y avait appris la mort de son cousin Paul Esterhazy[1], qui laissait une veuve avec quatre enfants, trois filles, dont deux religieuses, et un fils de vingt ans. Esterhazy n’avait eu que peu de rapports avec lui. Le père de Paul, commerçant à Marseille, avait été sauvé autrefois de la faillite par l’intervention de ses frères, les deux généraux Walsin-Esterhazy, l’oncle et le père du commandant[2]. Esterhazy songea à récupérer cet argent, avec les intérêts, sur la veuve de son cousin.

Il ne l’avait vue qu’une seule fois, quatre années auparavant, pendant une visite d’une heure qu’elle avait faite à Dommartin, avec son fils Christian[3]. Cela lui

  1. 15 octobre 1896.
  2. Valentin-Joseph Esterhazy (1802 — 1856) était le frère aîné des deux généraux. De son mariage avec Mlle Lenormand, il eut trois fils : Edmond, marié à Mlle Barthélémy, dont la descendance habite encore la Provence ; Ernest, qui ne se maria pas et mourut à 22 ans ; enfin Paul, né à Marseille en 1836, préfet, puis adjoint au maire de Bordeaux, qui épousa Louise de Faultrier, de famille messine. De ce mariage naquirent cinq enfants : Valentin, tué au Tonkin ; Marthe, mariée au vicomte de Goitisolo ; Alice, religieuse des Dames de l’Assomption ; Everilda, religieuse dominicaine, et Christian.
  3. Mémoire de Christian Esterhazy, 30. — Ce mémoire, adressé au procureur de la République, a été publié par son auteur, avec diverses autres pièces, dans une brochure intitulée : La Plainte en escroquerie contre le commandant Esterhazy. — Cass., I, 233, Bertulus : « Ma confiance en Christian Esterhazy est née du fait que jamais ce jeune homme n’a essayé, dans ses diverses dépositions, de dissimuler quelque chose pouvant être, au point de vue de la délicatesse et de l’honneur, durement qualifié… Je n’ai jamais réussi à relever contre lui aucune inexactitude. » — Néanmoins, je ne reconstitue tout cet épisode qu’à l’aide des seules lettres autographes d’Esterhazy dont j’ai les photographies sous les yeux.