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SCHEURER-KESTNER


quiers. Quelle « canaille » ou quel « crétin » a pu leur proposer de placer leur argent dans des fonds ottomans ou égyptiens[1] ? Les affaires de Rothschild sont autrement sûres. Au surplus, pour que la mère de Christian ait l’esprit en repos, il lui garantira, « sur ses propres biens, l’intégralité du capital » qu’elle mettra dans l’affaire. — La solvabilité de Rothschild, avec l’aval d’Esterhazy, que peut-on exiger de mieux ? — « C’est bien entendu : un minimum d’intérêt de 25 pour 100 payables mensuellement, ce qui ne veut pas dire 25 pour 100 par mois », — la bonne dame pourrait s’y tromper, — « mais bien 2 et une fraction par mois. »

Ces gens simples furent éblouis ; le nom de Rothschild évoquait à leurs yeux les trésors des contes arabes. Et combien délicats les procédés d’Esterhazy ! Ils sont presque des inconnus pour lui, de lointains parents au cinquième degré ; cependant, à la première nouvelle de leur malheur, il vient à eux, et leur tend, dans leur coin perdu, une main secourable, lui, le fils du grand général, officier supérieur, décoré, le gendre de la marquise de Nettancourt et l’ami intime du Roi de l’Or !

Mme Esterhazy, par discrétion, n’envoya au commandant que 5.000 francs. Il en accusa, très correctement, réception, garantit, personnellement, par un acte en règle, « le remboursement de la somme, pour le cas où il viendrait à mourir », et annonça que l’affaire était conclue ; « cela n’avait souffert aucune difficulté[2]. »

  1. « Le jour où la question d’Égypte se rouvrira ; — et on semble vouloir s’en occuper sérieusement ; c’est même le seul point vraiment soulevé par le voyage du Tzar ; — ce sera la dégringolade. » Pour la Turquie, « ce pays va sombrer ».
  2. L’escroquerie d’Esterhazy fut dénoncée par Christian à l’enquête Bertulus (séance du 9 juillet 1898) ; il remit au juge d’instruction toute la correspondance, les reçus, etc. Confronté avec Christian, Esterhazy commença par tout nier : « Ce sont