Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1903, Tome 2.djvu/507

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
497
SCHEURER-KESTNER


commandant ; cela ne pose pas. » Quand on joue à l’aristocrate, on peut dire, sans inconvénient, « qu’on s’occupe de politique et d’économie politique » ; mais on ne s’est pas fait graver des armes, « une grande épée et un griffon », pour vendre des primes et établir des comptes de report :

Du reste, ne t’emballe pas ; rien ne dit que nous réussirons, car les gens deviennent malins, et le marquis de Presles ne devient plus facilement le gendre du père Poirier, droguiste de la rue des Lombards… Affecte des dehors très sérieux, entièrement sérieux ; surtout, tâche de te faire une tête un peu plus vieille ; fonce-toi les cheveux, cela vieillit les blonds ; puis, ne fréquente que des jeunes gens ou des hommes très bien posés ; évite tout ce qui pourrait donner lieu à la moindre réflexion malveillante ; tu te rattraperas après et feras ce que tu voudras, quand tu auras de l’argent. C’est la partie d’où dépend toute ta vie que tu vas jouer ; il s’agit de jouer serré… Affiche des sentiments royalistes… Dans le mariage, il y a toujours l’un des deux qui est trompé, il faut tâcher d’être l’autre… Je t’embrasse[1].

Ainsi (j’entends du même ton) parlèrent Polonius à Laërte, Mentor au jeune Télémaque. Et il connaissait bien le « monde », les nobles et les bourgeois, et la cote des opinions politiques !

Aussi bien, il apporta tous ses soins à cette grande affaire, ne négligeant aucun détail. Par exemple, il se fit donner « des photographies avantageuses » de Christian et une ample collection d’articles nécrologiques, élogieux, sur le comte Paul (les discours prononcés aux obsèques), « car il faut exploiter, avant que

  1. Avril 1897.


32