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SCHEURER-KESTNER


À son retour à Paris, Scheurer reçut la visite de Bernard Lazare, qui lui était adressé par Ranc et qui lui remit, avec des fac-similés du bordereau, quelques lettres autographes de Dreyfus. Un journaliste[1] avait récemment confié à Bernard Lazare (ou celui-ci avait cru comprendre) que Dreyfus n’avait pas été condamné à l’unanimité ; le soir du verdict, il avait voyagé avec l’un des juges du capitaine ; il l’avait entendu dire à un camarade qu’il n’avait pu se décider à condamner.

« Il me faut, dit Scheurer, le journaliste et l’officier[2]. » Le journaliste se rendit à son appel ; il avait seulement entendu le commandant Gallet dire qu’il avait été navré d’avoir eu à condamner un officier pour un crime aussi affreux[3]. Et ce propos même, Gallet a affirmé plus tard qu’il ne l’a point tenu[4].

Scheurer conclut de cette première enquête que les accusateurs de Dreyfus propageaient de véritables mensonges, mais que certains de ses défenseurs avaient l’assertion légère.

Il se livra alors à l’examen des écritures ; il lui parut que le bordereau n’était pas de Dreyfus[5] ; mais, comme il n’avait aucune compétence particulière, la méthode

    chose jugée, et il serait inconvenant, de la part de l’Empereur, de revenir sur une chose jugée d’après les lois du pays. »

  1. Destez, rédacteur à la France, journal boulangiste et antisémite.
  2. Mémoires de Scheurer.
  3. Figaro et France du 30 octobre 1898.
  4. Je tiens ce démenti de Gallet lui-même. Il était alors en garnison à Saint-Germain, Il y rentra, avec un autre officier, le soir même de la condamnation de Dreyfus ; le journaliste se trouvait dans le même compartiment ; Gallet déclina toute conversation avec lui et, même à son camarade, ne dit pas un mot du procès.
  5. Procès Esterhazy, 148, 153, Scheurer.