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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


chefs commissent eux-mêmes l’acte irréparable, révélateur de leurs craintes : rassurer le traître.

Il usa, en conséquence, après s’être concerté avec Esterhazy, d’un de ses procédés coutumiers. Le 19 octobre, par une coïncidence qui l’eût dû surprendre. Billot reçut une lettre où il était mis en demeure d’agir contre Scheurer et Picquart qui ont comploté de substituer Esterhazy à Dreyfus. La lettre est d’une écriture dissimulée, « sensiblement la même » que celle de la fausse lettre à l’encre sympathique ; elle présente la même ornementation bizarre des caractères, ces boucles étranges qui avaient étonné Picquart[1]. Henry, apparemment, s’était adressé au même faussaire. La lettre, était anonyme. Billot la remit à Gonse, qui la porta au bureau des Renseignements, où se trouvaient Henry et Du Paty[2].

Il fut évident, dès les premiers mots échangés, qu’il y avait urgence à avertir Esterhazy. Mais comment ? Du Paty proposa de le faire venir au ministère[3].

  1. « Cette carte est écrite avec une écriture dissimulée qui est sensiblement la même que celle du faux Weyler, avec cette différence que, dans l’un des documents, les boucles qui altèrent la physionomie des lettres sont en haut, et que, dans l’autre, je précise, les susdites boucles sont en bas. » (Esterhazy, Dép. à Londres, Édit. de Bruxelles, 91.) — Cuignet (Cass., I, 343) donne de cette lettre la même description, moins le détail sur la disposition des « boucles ». — Il en résulte qu’Henry montra la lettre à Esterhazy avant de l’envoyer à Billot.
  2. Du Paty place ce conciliabule le 19 ou le 20 octobre (Instr. Tavernier). La lettre reçue par Billot est du 19 ; donc le conciliabule est du 20. — Gonse, à Rennes, dit qu’il s’agissait de la lettre anonyme qui fut reçue, le 21, par Boisdeffre ; que Boisdeffre en reçut une seconde le 26 ou le 27 ; et que la réunion serait postérieure au 27. Or, l’entrevue de Montsouris est du 23. Gonse dit d’ailleurs que « tout cela se passait après l’entrevue de Montsouris » (II, 159), ce qui est absurde. Il confond la lettre P. D. C. avec celles que Boisdeffre reçut plus tard.
  3. Cass., II, 177, Du Paty.