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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


parle, et tout de suite, sous peine de passer, lui aussi, pour un scélérat ! »


XIII

Scheurer, après quatre jours d’attente, avait adressé un nouvel appel, très chaleureux, à la fille du Président de la V République. Il pensait toujours que l’initiative de la réparation devait venir du gouvernement et de l’armée, « d’en haut et non d’en bas[1] ».

Félix Faure, cette fois, répondit lui-même : il recevra Scheurer « avec plaisir » ; il s’étonne que le vice-président du Sénat, l’autre jour, à la chasse, ne l’ait pas entretenu, tout simplement[2].

On a vu Billot cherchant à engager la conversation avec Scheurer, dès son arrivée. Il tenait beaucoup, ainsi qu’il lui avait fait dire par Bertin, à être le premier à recevoir ses confidences. Quand Scheurer, à la réflexion, pensa qu’il devait parler d’abord au chef de l’État, il lui parut loyal d’en informer Billot. Le ministre en rendit compte à Boisdeffre. Aussitôt, Esterhazy on fut avisé.

Un fil télégraphique avec, à un bout, le chef de l’État-Major général de l’armée, à l’autre, ce traître, c’est l’exact tableau de cette prodigieuse collusion.

Ainsi un nouveau danger surgit : Scheurer va informer directement le Président de la République et, sans nul doute, l’inviter à faire venir Picquart.

Boisdeffre alla au plus pressé. Il avait déjà prescrit

  1. Procès Zola, I, 113, Scheurer.
  2. Lettre du 28 octobre 1897.