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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


mesures que les témoins n’arrivent pas à se joindre[1]. Le cinquième jour, Morès et Guérin écrivent à Crémieu que, s’il ne fixe pas de date à la rencontre, ils dresseront contre lui un procès-verbal de carence. L’inflammable officier leur envoie aussitôt un double cartel qui est accepté, mais à la condition que Lamase recevra d’abord satisfaction[2].

Quand les choses furent si bien embrouillées que Crémieu se trouva acculé à passer par ce duel, sous peine d’avoir l’air de fuir devant Morès, bretteur émérite, et devant Guérin, sorte de géant qui répandait la terreur, Esterhazy rendit son mandat.

Toutefois, il ne cessa pas de suivre l’affaire, mit au courant les nouveaux témoins, le capitaine Mayer et le lieutenant Trochu. Cette fois, tout marcha vite, trop vite. Les témoins de Lamase refusèrent de faire décider par un jury d’honneur si un officier peut se rencontrer avec un homme de paille[3] ; ceux du capitaine Crémieu

    duel, une note courtoise, « note, Morès est vivant pour l’affirmer, Drumont est prêt à le dire, qui n’avait été écrite qu’à ma demande expresse et à ma considération ».

  1. Le 12 juin 1892, les témoins de Lamase, qui n’ont pas reçu à temps la lettre des témoins de Crémieu-Foa, manquent au rendez-vous ; aussitôt, Esterhazy et Devanlay écrivent à Morès et à Guérin que cette absence équivaut à une déclaration qu’il n’y a pas lieu à suivre. Morès et Guérin protestent, réclament un autre rendez-vous. Esterhazy prétend n’avoir reçu leur lettre que le 16. Dès le 17, Morès et Guérin provoquent Crémieu-Foa. Le 18, Esterhazy et Devanlay se retirent, parce qu’ils ne sauraient consentir à assister leur client dans un duel avec un homme de paille.
  2. Morès avait été, à Saint-Cyr, le camarade de Crémieu-Foa. Il lui écrivit le 18 juin : « Je suis à l’heure actuelle un des témoins de M. de Lamase. Depuis quinze Jours nous vous attendons ; nous avons à ce sujet un dossier complet. »
  3. Crémieu-Foa reprocha à ses témoins de n’avoir pas insisté sur la question du jury d’honneur ; Mayer répondit que Morès avait parlé tout le temps et l’avait étourdi. L’incident fut assez vif. (Procès Morès, Libre Parole du 30 août ; Mémoire justificatif par Ernest Crémieu-Foa, 36 et 37.)