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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


n’est ni un parvenu de la politique grisé par le pouvoir et jaloux de popularité, ni un soldat retors, prisonnier de ses subordonnés, mais un vieux républicain, l’ami et le collaborateur de Ferry, et, jusqu’à ce jour, d’une loyauté insoupçonnée.

Scheurer se rendit, en conséquence, chez Méline[1] et, tout de suite, il apprit un nouveau mensonge de Billot : il aurait interdit au ministre de la Guerre de rien révéler de leur entretien au Président du Conseil. Scheurer protesta qu’il avait, au contraire, averti Billot de son intention de saisir lui-même Méline. Et tout ce que Leblois lui a permis de dire, il le dit, notamment que Billot sait, depuis longtemps, à quoi s’en tenir, puisque le véritable auteur du bordereau a été découvert au ministère de la Guerre.

Méline feint d’ignorer que l’homme, qui va être dénoncé par Scheurer, l’a été déjà par un officier. En tout cas. Billot lui avait parlé d’un document décisif contre Dreyfus. Il observe, en effet, qu’il existe d’autres preuves que le bordereau contre Dreyfus : « le témoignage de deux hommes qui n’ont aucun intérêt à tromper[2] ». C’est la lettre de Panizzardi à Schwarzkoppen, et Méline la juge authentique. Il croit tout ce que lui dit Billot[3].

Scheurer lui montre alors des fac-similés du bordereau, des lettres de Dreyfus et d’Esterhazy. Méline regarde d’un œil distrait ; il trouve que l’écriture de Dreyfus ressemble plus que celle d’Esterhazy à celle du bordereau ; d’ailleurs, il n’est pas expert.

Scheurer, très déçu, supplie Méline de surveiller lui-

  1. 2 novembre 1897. — Mémoires ; Procès Esterhazy, 154.
  2. Mémoires de Scheurer.
  3. Chambre des Députés, 13 décembre 1900, Méline : « M. Jules-Louis Breton a eu raison de dire que le général Billot, c’était moi. »