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LA COLLUSION


mais lui demandèrent, en retour, de préciser le sens de l’officieuse communication : qu’est-ce que le ministre de l’Intérieur a dit exactement aux journalistes ? Méline leur promit d’en conférer, au prochain Conseil, avec ses collègues[1]. En effet, le point précis d’aiguillage était là : Le gouvernement se bornera-t-il, correct et juridique, à constater le fait existant, ou va-t-il, s’échappant de la neutralité, déclarer que la condamnation de Dreyfus a été juste et régulière, repousser, sans autre examen, la revision ?

XIX

Les incidents de ces derniers jours avaient été portés, par la filière habituelle, à la connaissance d’Esterhazy[2] et d’Henry. Ils agirent en conséquence.

Le résultat de la dernière lettre d’Esterhazy à Félix Faure ne s’était pas fait attendre : Picquart a été mis en demeure de s’expliquer ; il a été interrogé sur le prétendu vol d’un document secret ; ordre a été donné de saisir sa correspondance. C’est bien là, à l’Élysée, qu’il faut frapper.

D’accusé devenu accusateur, et accusateur redouté, qui est obéi sur l’heure, Esterhazy écrit aussitôt une troisième lettre au Président de la République[3] ; il le

  1. 8 novembre 1897.
  2. Cass., I, 582, Esterhazy.
  3. 5 novembre. — Cass., I, 582, Esterhazy : « On me fit faire la lettre du document libérateur » On, c’est, d’habitude, dans le langage d’Esterhazy, Henry. En tous cas, il ne met pas en cause Du Paty, qui affirme n’avoir pas dicté cette lettre ; il la connut seulement par Gonse, qui la lui communiqua quand Félix Faure l’eut renvoyée à Billot. (Voir p. 658.)