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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


quel était le document dont il était muni[1] ; bien plus, sur le conseil d’Henry[2], il dit l’avoir mis lui-même en sûreté en Angleterre[3]. Le gouverneur de Paris observa qu’il eût suffi de faire photographier la pièce protectrice ; il ne lui fit d’ailleurs aucun reproche « pour avoir quitté la France sans autorisation » ; il écouta, sans y objecter, la fable de la dame voilée.

Ce même jour, tant pour appuyer, au besoin, son imposture d’un semblant de preuve que pour expliquer à sa femme sa longue absence, Esterhazy lui fit parvenir, par l’agence postale, une lettre datée de Londres[4].

Mais Saussier n’a-t-il pas eu à subir d’autres propos, vaguement comminatoires[5] ?

S’il les entendit, habile à comprendre à mi-mot, il ne protesta pas ; mais il adressa à Billot un rapport où il excusait l’attitude d’Esterhazy. Puis, le surlendemain, il le fit revenir et lui dit, paternellement, qu’il comprenait ses colères[6], mais qu’il l’engageait à ne plus écrire de pareilles lettres et à retourner la pièce au

  1. Procès Esterhazy, 125 : « Le gouverneur me demanda des détails. » Cass., I, 583 ; II, 196 : « Malgré l’état d’exaspération où je me trouvais, j’ai poussé la discrétion jusqu’à ne pas dire au gouverneur quelle était la nature de cette pièce. » — Rapport de Saussier au ministre de la Guerre.
  2. Dép. à Londres, 22 février 1900.
  3. Cass., II, 95, Enq. Pellieux, Esterhazy.
  4. Il le reconnaît à l’instruction Ravary (Cass., II, 119) et à son procès (136). — Mme Esterhazy, le jour où son mari fut dénoncé par Mathieu Dreyfus, le croyait encore à Londres « pour régler des affaires de famille ». Elle le dit à plusieurs journalistes (Temps, Patrie, Jour du 17 novembre). Et elle donna son adresse : 2, Hanway Street, Oxford Street. C’était celle du correspondant de l’Alibi-Office.
  5. La correspondance d’Esterhazy abonde en anecdotes sur Saussier ; on n’en peut rien citer, ni les noms qui sont authentiques, ni les détails, d’ordinaire obscènes, qui, manifestement, sont inventés.
  6. Cass., I, 583 ; Dép. à Londres, 22 février 1900, Esterhazy.