Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1903, Tome 3.djvu/113

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
107
L’ENQUÊTE DE PELLIEUX


de Speranza et lui présenta la lettre signée de ce nom, qu’Henry avait « interceptée » en 1896. Picquart rattacha aussitôt cette lettre aux dépêches qu’il avait reçues en Tunisie ; c’était une machination évidente d’Esterhazy et de ses amis. Il donna, en souriant, le sens du vocabulaire bizarre, mais inoffensif, de Ducasse. Enfin, Pellieux l’interrogea sur les prétendues perquisitions chez Esterhazy, sur Leblois, sur sa vie privée et sur ses fréquentations, sur une femme qui habitait dans la même maison que lui, et sur ses pratiques d’occultisme[1] ». Il lui dit aussi — le tenant d’Esterhazy qui le savait de la dame voilée[2] — que les deux télégrammes émanaient de Souffrain. « à la solde d’Isaïe Levaillant et l’un des fervents défenseurs de Dreyfus ».

Pellieux poursuivit cet interrogatoire avec une dureté et une brutalité croissantes. Paternel et familier avec Esterhazy, obséquieux avec Scheurer, il traitait Picquart en coupable[3]. Il eût été plus franc de le faire interroger par Esterhazy et par Henry.

X

Les journaux racontèrent que Picquart n’avait apporté à Pellieux aucune preuve de la trahison imputée à Esterhazy ; il s’était borné à prétendre qu’Esterhazy touchait de l’argent à la fois du ministère et des Allemands et des Italiens, qu’il avait ainsi trompé tout le monde et qu’il avait un complice à l’État-Major[4]. Déjà,

  1. Procès Zola, I, 293 ; Cass., I, 203 : Instr. Fabre, 108, Picquart.
  2. Cass., II, 225, Esterhazy.
  3. Procès Zola, I, 293, Picquart.
  4. Matin du 26 novembre 1897.