ma conscience m’ordonne de faire. » Puis j’envoyai à Millerand mes témoins.
Il restait à Méline, ce jour-là, une lâcheté à commettre : il n’hésita pas. Il avait le droit de dire qu’il avait rompu avec Scheurer, son ami de trente ans, et avec moi, son ami aussi, depuis longtemps, et son collaborateur à la République française, quand je la dirigeais. Mais il s’écria « que l’honnêteté et la droiture des ministres protestaient contre de telles solidarités… Non, il n’est pas permis d’essayer ainsi de déshonorer ses adversaires ! » Pour Scheurer, « il n’avait déposé aucune pièce, et le Gouvernement n’en pouvait recevoir aucune ».
« Je n’ai rien à ajouter, riposta Millerand, au bruit des applaudissements de la droite et de la gauche, à l’exécution que M. le Président du Conseil vient de faire de l’honorable M. Scheurer-Kestner[1]. »
Afin que l’humiliation de Méline et de Billot fut complète, Alphonse Humbert intervint : « Pour amener le ministre de la Guerre à son banc et à son devoir, il a fallu que le chef de l’État-Major jetât enfin un cri et fît appel à l’opinion publique contre l’homme qui s’était déclaré le gardien de l’armée et qui ne le défendait pas. »
Un député des Landes, Jumel, avait déposé un ordre du jour honnête et sensé : « La Chambre, jugeant qu’elle n’a point à s’immiscer dans une question d’ordre purement judiciaire… » Il réunit quatre-vingt-dix voix[2].
- ↑ « Vifs applaudissements à gauche, à l’extrême gauche et à droite. »
- ↑ Parmi les quatre-vingt-dix députés qui votèrent la priorité en faveur de cet ordre du jour, je relève les noms de Decrais,
n’en citer qu’un, et ceux qui, avec lui, avaient mené cette campagne, avaient été plus perspicaces et plus clairvoyants que moi. » Il m’écrivit, avec une belle loyauté : « Vous ne vous étonnerez pas si je vous dis que j’ai eu une joie particulière à prononcer ces paroles comme une réparation qui vous était due de la lourde injustice que j’avais involontairement commise. »