Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1903, Tome 3.djvu/314

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
308
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


binaisons électorales de son groupe. Précédemment, quand il répondit, pour la première fois, à Cavaignac, il s’était, pour complaire à ses amis, tenu dans des généralités philosophiques. Et, tout à l’heure encore, les politiques du parti l’avaient conjuré de prendre garde, de se ménager, de ne pas les engager. Ils voyaient, eux aussi, se dresser, non plus à l’horizon, mais tout près d’eux, un passé qu’ils avaient cru aboli et qui ressuscitait : l’État militaire et clérical. Cette alliance de la Croix et de l’Épée, si elle triomphe, c’en est fait non seulement des réformes laïques de la République, mais encore des conquêtes essentielles de la Révolution. Seulement, cette alliance se réclame du patriotisme, d’un patriotisme nouveau qui consiste exclusivement à croire que les conseils de guerre sont infaillibles. Voilà le ciment, la base même de cette formidable coalition. Évidemment, pour abattre un arbre, c’est au tronc, à la base qu’il le faut frapper. Quoi ! proclamer que Dreyfus est innocent ! donner raison à Scheurer, à Zola, me donner raison !

Mais Jaurès, enfin, éclata. Il dénonça d’abord la diversion de Méline contre les écrivains socialistes. Ceux qui préparent les futures débâcles, « ce ne sont pas ceux qui signalent à temps les fautes », mais ceux qui les commettent, « hier, les généraux de cour protégés par l’Empire ; aujourd’hui, les généraux des jésuitières protégés par la République ! »

Puis, quand le tumulte causé par ces paroles se fut apaisé, et sourd aux avertissements désespérés de Brisson qui lui enjoignait « de surveiller son langage », il prit Méline corps à corps et l’invita à regarder autour de lui. Sont-ce des socialistes « ceux qui ont entrepris, les premiers, la campagne contre les décisions des conseils de guerre ? » Sont-ce des socialistes encore, « ceux